Publié le 04/06/2023 à 07h30
Écrit par Dolores Mazzola
Depuis plus de deux mois, le collectif « La Tulipe Sauvage » se rassemble régulièrement les dimanches sur la zone de Chamarges à Die, dans la Drôme. Ses membres contestent la réalisation de la deuxième partie de la zone d’activité portée par la Communauté de communes du Diois. Explications.
« Dimanche, on va butter les patates… et le Grand Capital ! » annonce avec une pointe d’ironie Vincent Paltera, agriculteur dans le Diois, membre du collectif « La Tulipe Sauvage » et de la Confédération paysanne de la Drôme. L’aménagement final d’une zone d’activité à Die fait polémique. La ZA de Chamarges va s’étendre. Le collectif « La Tulipe Sauvage » est vent debout contre ce projet d’extension porté par la Communauté de communes du Diois. De son côté, la collectivité explique défendre un projet mené en concertation avec les besoins des entreprises et dans le respect de l’environnement.
Un collectif mobilisé
Depuis deux mois et demi, les très actifs membres du collectif « La Tulipe Sauvage » multiplient les actions symboliques : manifestations, pétition, affichages, plantations et jardinage. La prochaine opération aura lieu dimanche 5 juin sur le site qui doit accueillir la future extension de la zone d’activité de Chamarges. Ces militants ont pris pour symbole une plante rare et emblématique du Diois qui pousse sur ce site.
Née au sortir du premier confinement de 2020, ce collectif, qui milite pour « le maintien des terres agricoles, l’autonomie alimentaire et la biodiversité« , est bien décidé à faire entendre sa voix. Il y a même urgence d’après ses membres. Le projet d’extension de la zone d’activité entre dans sa dernière phase et le chantier doit débuter dans le courant du mois de juin. « Après la partie sud, c’est la partie nord qui est en cours d’aménagement. (…) Le permis d’aménager a été signé. Les entreprises sont choisies, les premières réunions préparatoires ont eu lieu, courant juin le chantier débutera », indique la Communauté de communes du Diois dans un communiqué daté du 17 mai dernier.
https://www.facebook.com/plugins/post.php?href=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2FCom.Com.PaysDiois%2Fposts%2Fpfbid02TXiJ58qFAVC5YNxerwjNDyZ52o7p6zxzwsqaXsrjEGmnKWCuP7Rn3f5TzFaWYcW6l&show_text=true&width=500
Artificialisation des sols
Outre les menaces sur la biodiversité, les détracteurs du projet pointent du doigt la disparition des terres agricoles en raison d’une artificialisation des sols. Les terrains concernés par le projet se trouvent en plaine. Des plaines fertiles, selon les opposants. « Ce sont des terres plates, irrigables, situées en plaine qui vont disparaître sous le béton », souligne Vincent Paltera.
De son côté, Alain Matheron, président de la Communauté de communes du Diois, précise : « ce ne sont pas des terres irrigables, ce sont des terres inondables. Et le prochain PLUi fera plus que compenser la perte des sols ». Le président de la collectivité souligne, « sur ce terrain, on aura 3,8 hectares commercialisés à terme et consacrés aux entreprises. Mais il y a aussi une noyeraie plantée, cette partie est sanctuarisée ».
Le collectif citoyen milite aussi pour l’autonomie alimentaire. Une autonomie mise en péril par la disparition progressive des terres agricoles. « La Communauté de communes communique beaucoup autour du bien-être alimentaire, mais elle continue d’artificialiser les meilleures terres du Diois »,déplore Vincent Paltera.
Pour le président de la Communauté de communes, le problème est plus large.« Sur les treize fermes de Die, dix cherchent des repreneurs. Soixante-trois exploitations ont disparu ces dix dernières années au profit de la déprise agricole ».
Très technique, le dossier est aussi très sensible. Les positions semblent irréconciliables. « On est dans la symbolique, avec des gens qui défendent presque des croyances », avance l’élu. Ce dernier ne cache pas sa colère, dénonçant des positions militantes qui « desservent la cause écologiste ». « Je respecte leurs opinions, mais je ne partage pas leur vision de la société à court terme, » explique Alain Mathelon.
Morcellement vs aménagement progressif
Le site concerné par l’extension de la ZA est un terrain d’un peu plus de quatre hectares qui jouxte l’actuelle zone de Cocause. Pour Vincent Paltera, ce terrain fait moins de cinq hectares. Selon l’agriculteur, c’est le seuil qui dispense de faire une étude d’impact. « On trouve qu’il y a une hypocrisie à saucissonner les projets pour éviter les études d’impact », explique-t-il. « C’est un enjeu local, mais ça risque de se reproduire un peu partout. Les projets de moins de cinq hectares représentent l’essentiel des projets d’artificialisation en France, » assure l’agriculteur.
Du côté de la collectivité, on s’inscrit en faux : « l’étude environnementale a été réalisée sur l’ensemble de la zone. Il y a eu une étude de gestion de la tulipe sauvage ». Des études menées au moment de l’acquisition des terrains, explique l’élu.
Quant à l’argument du morcellement du projet : « on a choisi d’aménager progressivement. La première zone sud est quasi pleine. Sur la zone nord, les problèmes environnementaux avec un plan de gestion de la tulipe sauvage, les problèmes hydrologiques et les problèmes archéologiques ont été traités. On est à présent sur l’aménagement final, la mise en place des réseaux », souligne Alain Matheron. Les travaux pourraient probablement débuter dans la deuxième quinzaine de juin.
Projet économique et terrain d’entente
Outre la marchandisation des terres arables, le collectif évoque aussi un projet inadapté au territoire du Diois. La Tulipe Sauvage dénonce également « un modèle économique des années 80″, particulièrement gourmand en terres agricoles.
Sur ces deux points, le président de la collectivité répond « besoins des entreprises du territoire » et « gestion raisonnée et maîtrisée du foncier« . « Quand une entreprise souhaite se développer et acquérir sur Chamarges, on met dans la balance la propriété qu’il abandonne. C’est un jeu de chaise musicale », explique Alain Mathelon qui précise que la collectivité travail avec l’établissement foncier Epora.
Quant à la contestation de la nécessité économique du projet, l’élu résume : « sur notre liste d’attente, nous avons plus de besoins que de terrains disponibles ». Le président évoque notamment des entreprises locales qui peuvent se retrouver contraintes par le tissu urbain, sans possibilité de se développer, ou encore des entreprises face à des besoins d’agrandissement et de mise aux normes.
À terme, sur la zone d’extension de Chamarges, ce sont huit lots qui sont prévus. Une partie de la zone sera également réservée au département pour du stockage de matériel de déneigement.
Une alternative ?
Pour La Tulipe Sauvage, il existe cependant une alternative qui permettrait de concilier préservation des parcelles vierges de construction et besoin de développement économique. Les militants proposent notamment de se tourner vers l’actuelle zone d’activité de Cocause, qui jouxte le terrain Charmarges. Une zone d’activité qui existe depuis 25 ans, et qui est » vide à 40%, avec des bâtiments en déshérence, » selon Vincent Paltera. « On a proposé il y a trois ans l’idée d’une extension de la zone d’activité, sans artificialisation de nouvelles terres agricoles ».
Fin de non-recevoir, selon le porte-parole de la Confédération paysanne de la Drôme. Et pour cause. La totalité de la ZA regroupe deux zones appartenant à l’intercommunalité. « L’une est terminée (Chamarges Sud). Sur la zone qu’on aménage (Chamarges Nord), on a la maîtrise du foncier. Les terrains ont été achetés aux agriculteurs. À l’amiable », souligne Alain Matheron. En revanche, sur la zone Cocause, tous les terrains appartiennent à des privés.
Moratoire refusé
Le collectif avait également demandé un moratoire sur le projet d’extension. Refus de la Communauté de communes. Alain Matheron s’explique : « on ne veut pas, car on a des entreprises qui attendent et qui ne comprendraient pas (devoir attendre encore) alors que les contraintes archéologiques, environnementales et hydrauliques ont été levées ». Et il ajoute : » même si on décalait la date des travaux de six mois, on en sera toujours au même point. C’est un problème de projet de société. On n’a pas le même projet ! »
Entre Vercors et Provence, le Diois regroupe une population de près de 12000 habitants, sur un territoire de 1200 km². Il compte 50 communes rurales. Le 19 juin prochain, la collectivité prévoit à son tour une action : un rassemblement républicain sur la zone de Chamarges.